L'expropriation pour cause d'utilité publique est une procédure permettant à une autorité publique de priver un propriétaire de son bien, sous réserve d'une juste indemnisation, afin de réaliser un projet d'intérêt général. Cette procédure, encadrée par le Code de l'expropriation, vise à trouver un équilibre entre la protection du droit de propriété, consacré par l'article 17 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, et la nécessité pour les pouvoirs publics de mener à bien des projets d'utilité publique. Maître Nicolas Desmeulles, avocat au Havre, vous explique les critères permettant de qualifier un projet d'utilité publique, étape clé de cette procédure en deux phases, administrative et judiciaire, qui dure généralement entre 18 et 24 mois.
Pour qu'un projet soit reconnu d'utilité publique, il doit répondre à plusieurs critères, appréciés par le juge administratif selon la théorie du bilan, consacrée par l'arrêt "Ville Nouvelle Est" du Conseil d'État en 1971. Cette théorie impose une mise en balance des avantages et inconvénients du projet, tant sur le plan financier qu'environnemental et social (impact sur la biodiversité, les paysages, la qualité de vie des riverains, etc.).
Ainsi, le coût financier de l'opération, son impact sur l'environnement et les éventuelles atteintes à la propriété privée (expropriations, servitudes, dépréciation des biens alentours) doivent être proportionnés aux bénéfices attendus pour la collectivité. Par exemple, la construction d'une ligne de tramway peut être justifiée par l'amélioration des transports en commun, malgré son coût et les expropriations nécessaires.
À noter : lors de l'enquête publique, un commissaire enquêteur indépendant est chargé de recueillir les observations du public et de donner un avis motivé sur l'utilité publique du projet, en appréciant son opportunité et sa proportionnalité selon la théorie du bilan.
Au-delà du bilan coûts-avantages, le projet doit également répondre à des conditions de nécessité. Cela signifie qu'il doit être impossible de le réaliser ailleurs, sans recourir à l'expropriation (par exemple en privilégiant des terrains publics ou en négociant des acquisitions amiables), et qu'aucune solution alternative moins contraignante n'est envisageable (tracé différent, dimension réduite, etc.). L'emprise foncière concernée doit être indispensable à la réalisation du projet.
Le juge administratif exerce un contrôle de plus en plus strict sur ces conditions, veillant à ce que l'expropriation reste une mesure exceptionnelle. Les personnes concernées peuvent contester l'utilité publique du projet devant le tribunal administratif, dans un délai de deux mois à compter de la publication de la déclaration d'utilité publique (DUP), en exerçant si nécessaire un référé-suspension. Elles peuvent invoquer des moyens d'illégalité externe (vices de procédure, incompétence) et interne (erreur de fait ou de droit, détournement de pouvoir).
Conseil : pour renforcer le projet face aux éventuelles contestations, il est important de mener une concertation préalable approfondie avec le public et les personnes concernées. Cela permet de documenter les tentatives de négociations amiables et d'ajuster le projet pour minimiser les atteintes à la propriété privée.
De nombreux projets, dans des domaines variés, ont été reconnus d'utilité publique ces dernières années. On peut citer notamment :
Dans chaque cas, les autorités publiques doivent constituer un dossier solide démontrant l'utilité publique du projet et sa conformité aux critères évoqués précédemment.
Exemple : la création d'une déviation routière pour désengorger le centre-ville d'une commune a été reconnue d'utilité publique. Malgré son coût et l'expropriation de plusieurs habitations et exploitations agricoles, ce projet a été jugé proportionné au regard des avantages attendus en termes de réduction du trafic, d'amélioration de la qualité de l'air et de la sécurité des piétons dans le centre-bourg. Le choix du tracé, optimisé pour éviter une zone naturelle sensible, et l'absence de solution alternative crédible ont également été déterminants.
Si l'utilité publique du projet est reconnue, les personnes expropriées bénéficient néanmoins de garanties importantes. En premier lieu, elles ont droit à une indemnisation juste et préalable, couvrant la valeur de leur bien mais aussi les éventuels préjudices accessoires (frais de déménagement, perte d'exploitation, dépréciation du surplus non exproprié, etc.).
En cas de non-réalisation du projet dans un délai de 5 ans (durée de validité de la DUP, prolongeable une fois), les expropriés peuvent demander la rétrocession de leur bien. Ils ont également la possibilité de se maintenir dans les lieux jusqu'au paiement effectif de l'indemnité, et peuvent bénéficier d'un droit au relogement dans certains cas.
À noter : les expropriés peuvent demander une expertise judiciaire des indemnités proposées et faire appel du jugement fixant ces indemnités dans un délai d'un mois. Ils peuvent aussi contester l'ordonnance d'expropriation par un pourvoi en cassation dans les 15 jours suivant sa notification.
Maître Nicolas Desmeulles, fort de son expérience en droit de l'expropriation, accompagne et conseille les particuliers et professionnels confrontés à une procédure d'expropriation au Havre et dans sa région. N'hésitez pas à le contacter pour bénéficier d'un accompagnement juridique sur-mesure, alliant proximité, réactivité et défense efficace de vos intérêts.